L'air devient plus fluide, et l'atmosphère moite et aussi sirupeuse que du miel empoisonné se déversant dans une gorge malade, se dilue, tandis que la sombre obscurité se retrouve infinie et bleutée. La lune se reflète sur les bancs de sable, dessinant un paysage d'une beauté solitaire et pesante. Sa main droite lâche la fine jambe de l'enfant, prenant le tissus tendu, y passant un pouce. Le tissus est humide, de matière modeste.Il ne sait pourquoi, sa mémoire tactile craint d'y trouver un relief carré..un peu plus épais. Ticket pour une voie de secours menant jusqu'un Enfer qui se complaît à liquéfier les tripes les plus dures, mais une lettre se dessine en relief, semblable elle aussi, à une agrafe. Un I majuscule.
-"C'est un I, surement une initiale..Et nous le savons, pour l'eau, ne t'en fais pas. Nous n'irons pas."
Le fin tissus de mémoire change à nouveau de main, ses doigts s'attardent un instant a flatter son amie à caraoace et la rassurer, alors que le jeune homme hisse Moustique sur le sable, s'en servant ensuite de béquille vivante pour, à son tour, s'ôter du bourbier saumâtre troublé par leur traversé.
Quelques pas en avants ne lui ôtent pas le sentiment pesant d'être dans les entrailles d'une créature organique dont touts les yeux seraient fixés sur eux. Il n'a pas peur que la nuit tombe.

Tirer sa force de ses compagnons, hein ? Et bien oui et non.

Oui : le mental est au plus haut pour Moustique. Il se sent de quoi soulever des montagnes.
Non : le corps signale que les montagnes, elles resteront gentiment dans la terre et pire encore, là, il est à bout. Les jambes tremblotent avec force, le bras qu'il a passé autour de Birdy s'accroche autant pour aider ce dernier à avancer que pour ne pas lui même tomber comme un caramel mou. Le jeune brun sent des douleurs musculaires là où il n'aurait même pas imaginé trouvé un muscle.

À la lisière de la mangrove, il aurait trébuché si Birdy ne l'avait pas hissé sur le sable et s'il s'empresse d'aider ses deux autres compagnons à venir à ses côtés, ce n'est que pour l'instant suivant s’effondrer sur le sable et suant et haletant comme un bœuf.

« Pause ! Pause pause pause. » Il mange chaque goulée d'air salin avec tant d'appétit qu'il s'en sent très vite écœuré, la tête tournante. Sa respiration se calme, assez pour analyser un peu le lieu, tandis que sa main caresse le sable.

« On est revenu à la plage ? » Il observe, basculant la tête vers la mer, et se répond à lui même « Non, pas la même plage. » Il expulse un bon coup d'air et parvient à se redresser et s'asseoir sur ses fesses, un peu plus digne déjà. Il regarde la mer. Il n'est pas sûr de savoir, lui, pourquoi il ne faut pas aller dans l'eau. Se demande mais ne demande pas pour autant.

« On n'ira pas, d'acc. Et tant qu'on est aux avertissements, y'a aussi eut un truc bizarre, je sais pas si c'est lié. Sur l'autre plage, on a mangé des noix de coco qui nous ont donné faim, puis j'ai vu un type qui m'a mit dans une espèce de transe bizarre hallucinatoire et on a été téléporté dans la mangrove, après, où on t'a trouvé. » Conclusion : « Méfie-toi si tu vois un espèce de Dandy avec une canne et un air jovialement louche. »

Il prend une dernière grande respiration et reste assit, contemplatif, face à la plage qui s'étend à perte de vue. Sa voix est calme quand il reprend doucement :

« Les compagnons de Brême ? C'est des musiciens, normalement, mais on est pas musiciens. Et c'est des animaux qui s'entraident et qui arrivent à vaincre, malgré leurs différences. » Il hausse les épaules «  Ou on regarde dans le répertoire des fables, sinon. Ou le Zoo. Ou la Meute. »

Il jette un coup d'oeil à ses mains qui tremblent encore de l'effort fournit. Sourit avec une pointe d'amertume tandis qu'il lance d'une petite voix :« Dans 5 minutes, on y va, oui ? »

Une fois l'enfant étrange descendu de sa structure bancale, à son tour, Birdy s'accroupit dans les fins grains perlés, y glissant les doigts. L'explication de la transe de son sybile lui éclaire un instant le cerveau, alors que son poing se referme lentement, laissant glisser les larmes minérales tels un sablier d'instant.
"-Les musiciens de Brême...j'avoue que ..ça ne me dis rien, cependant la sonorité me plait bien.." Ses yeux lunaires se tournent vers ce qui semble être le seul éclat de couleur dans ce monde monochrome, mais il secoue négativement la tête à la question du petit être."Partagez la. Je n'ai pas faim." Sa cage organiques et ses entrailles tournent à vide, et ce depuis si longtemps que l'appétit a déserté sans mécontentement de sa logique brute de chien de rue.

Il vient de lui dire de se méfier. Pourtant, BD veut voir le dandy ? Moustique en fronce les sourcils et son petit nez se retrousse. Puis après tout, pourquoi pas ? Il n'y a rien qui prouve que le bonhomme soit méchant, c'est uniquement son instinct de couard qui lui souffle la méfiance.

« Hum, soupire-t-il finalement, pensif. C'était... bah. Bizarre. Y'avait une femme aux yeux verts qui refusait un truc et je - moi, je crois que c'était moi- insistais car sinon, c'était les condamner. Puis elle m'a mit à terre d'un coup. » Il déglutit et rougit en se rendant compte qu'il vient de confier la dernière part, pas très glorieuse, de cette vision là. Alors, il s'embrouille et se justifie : «M-mais rien n'explique c'était quoi cette vision. Y'a aucune preuve que ce soit vraiment arrivé car - ha ! - Je m'en souviens pas. » Enfin, maintenant si. C'est comme si une petite parcelle de son cerveau avait perdu de sa brume. Il secoue la tête, refusant de croire qu'il s'est fait mettre à terre par une fille. « Mais si on le voit, on se méfie, c'est tout. »

Ce n'était pas un souvenir. Sans doute pas. La curiosité commence à grandir en lui. Il aimerait en savoir un peu plus, finalement... mais en a en même temps un peu peur. Il s'agite sur son séant, mal-à-l'aise de la dualité de ses sentiments, puis s'accroche au changement de conversation comme à une bouée lors d'un naufrage.

« Oui, les Brêmes, hein ? M'en rappelle pas des masses non plus, en fait. Je crois qu'il y a un coq, un âne... P'tet un chien, je sais plus. Mais il s'entraident et ça marche pour eux. Je sais juste pas si ''musiciens'', ça nous conviendrait. » Car s'il a sourit à la performance du gamin, sa propre vocalise digne du hérisson à l'agonie lui arrache un rire nerveux. « Je suis pas fait pour le chant, je crois. »

Il calme ses nerfs, ses épaules s'agitant encore de temps en temps d'un rire nerveux. La Mangrove l'a épuisé tant physiquement que mentalement. La plage et la lune lui remette les idées en place, c'est agréable. Il regarde la clémentine qu'agite BD et sourit avec espièglerie à l'oiseau après son refus.

« Moi je me souviens d'un type qui m'a forcé à manger de la noix de coco parce qu'on ne savait pas quand on pourrait de nouveau manger. » Il soutient le regard sans ciller. « Si tu manges pas, je mange pas non plus. » C'est moche le chantage, hein ? Mais le sourire sincère de l'insecte montre pourtant que c'est sans malice.

Son estomac se tord, proteste et geint comme une roue rouillée et suppliciée, non pas par la faim, mais par la perspective de se voir encore envahie. Il soupire en entendant la voix de son compagnon d'infortune se mettre au chantage inconscient et innocent. Mais bien vite, son attention s'attarde sur l'enfantôme qui s'éloigne jusque boire l'eau sûrement salée qui vient abreuver l'étendue de terre vivante.
Ce dernier finit par s'allonger, et le punk prend alors la main du brun, et vint s'agenouiller près de lui, posant l'une de ses longues mains squelettiques et froides sur la surface frontale de l'enfant, rassemblant ses effets.
"...va pour Brême.." Sa voix rocailleuse sonne tels un Angeles mais sa conscience l'ignore et ne cherche point à le savoir. Il ramène ses jambes devant lui, enfouissant ses orteils dans le sable comme d'autant de petites branches fossilisées. En espérant qu'elles ne poussent pas... Il se sent désemparé, et la pulpe de ses doigts vient flatter et effleurer la douce carapace de sa douce amie, cherchant réconfort en cet insecte merveilleux.
"...Comment te sens-tu ?.."...

Qu'est-ce que j'ai dit ?

La question lui brûle le cerveau tandis qu'il voit Bd s'éloigner. Il attrape la main de Birdy, se lève en hâte et avance pour ne pas traîner derrière et ralentir qui que ce soit. Il se tait, Moustique, a l'impression d’enchaîner les bêtises sur les conneries. Ça l'attriste aussi, il a l'impression d'être le boulet de la bande. Un chevalier boulet. Quel misère...

Assit sur le sable, à proximité des deux autres, il colle ses jambes à sa poitrine, laisse son regard se perdre dans la mer. Il les laisse parler, il ne sait pas très bien s'il peut vraiment dire des trucs qui ne seront pas vexant pour l'un, ou pour l'autre. Autant garder ses sombres pensées pour lui. Finalement, il cale sa tête dans ses genoux et finit par marmonner.

« Il faudrait dormir. »

Même s'il n'a pas du tout sommeil, mais ça serait tellement bien, oui. S'ils dormaient, tout irait mieux. Comme un nouveau départ. Encore.

L'étrange hère ne dit pas un mot, mais il obéit sans problème à l'enfant, laissant sa main fraiche caresser la peau fine, souligner et devinant la courbe du lobe frontal, imaginant cet ivoire pur protecteur de rêve. Il acquiesce donc, et jetant un oeil à son âme déformée de beauté, il attire doucement Moustique contre lui, l'invitant au repos, l’enlaçant presque, chaque geste emprunt d'une douce lassitude. Il pose avec douceur la tête de ce dernier sur sa cuisse fine mais forte, sans quitter ses pupilles des yeux, comme s'il désirait le réconforter de son puit de douleur heureuse. Tout vas bien.
De l'enfant et de l'androgyne, d'aucun il ne dégage son attention, tout en levant son visage fragile vers sa muse étherée. "Reposons nous..nous en avons besoin. Et c'est une belle nuit..."
Le sable, la mer et le ciel..tout est une nuance de bleu, loin de la nuit noire et opaque, image d'une mare d'huile industrielle...ici, le monde semble être une demi-réalité..empreinte de tristesse et de violence, d'égarement et d'âmes solitaires, qui se réchauffent comme elles le peuvent, comblant leurs vides par ceux des autres.

Alors il est là, tête posée contre une cuisse, sa main enfermant celle de l'enfant dans sa douce chaleur.

Il s'est promis de ne plus se laisser emporter par le découragement. Il a fait un serment lunaire de ne plus sombrer pour un oui, pour un non.
Sinon, il pourrait emmener les autres avec lui.
Sinon, il serait pour de vrai un boulet à traîner.

Il a faillit crier comme une fillette en sentant un truc frôler ses doigts, mais a eut la bonne idée de vérifier avant d''agiter ses cordes vocales. Il a attrapé la main et a revêtit un sourire bien heureux sur le visage, se sentant un peu pardonné pour le coup.
Il a voulu montrer qu'il faisait confiance à Birdy en se laissant manipuler comme une poupée.
A un peu regretté dans la minute qui a suivit, rouge comme une tomate, son cerveau en ébullition tant il avait chaud, s’exhortant à ne penser à RIEN.

De toute façon, ses pensées manquent de cohérence, Moustique se raccroche à son idée de dignité et se ravise de bouger. Voilà. Il est tel le preux chevalier qui se repose après quelques péripétie, sur les genoux de sa douce. Ou son Doux. Soyons moderne, quand même, même dans sa vision archaïque de la chevalerie.

« Merci ma douce princesse ! »

C'est ironique, il se sent plus protégé depuis le début que protecteur.
C'est ironique, Birdy lui semble bien plus viril que lui.
Il n'a même pas idée à quel point ses mots sont ironiques.

Souriant aux étoiles, les iris voilées du jeune homme ne se baissent pas tout de suite, caressant des doigts les fines mèches blanches du petit garçons, et tenant avec douceur son compagnon. "...Se marier..? Et..une famille ?.." Le temps que ces mots arrivent à signifier quelque chose dans sa cervelle pleine de paillettes de givre, et il baisse enfin le faciès.
-"...Je ne pense pas..que ce soit nécessaire..garde la. La famille est dans le coeur, pas dans l'apparence. Pour le furet..tu en es déjà un petit, tu sais.." Ses iris coulissent ensuite dans le coin inférieur de ses orbites, se posant avec malice sur le doux visage du petit brun avant qu'il ne se penche, soulevant du pouce la petite frange de mèche et déposant un baiser salé sur l'arrondit étrangement féminin de son front, murmurant des mots de bénédiction et de bonne fortune. Son instinct semble lui indiquer qu'ils vont bientôt en avoir besoin..
Lorsque l'étrange oiseau voodoo se redresse, il ne peut s’empêcher de ressentir des courbatures, son bras le lancer..profondément dans la chaire tendre et rosé de son avant-bras..

Il est bien, il est détendu et il parvient même à être heureux. S'il ne serait pas tout à fait contre une explication quant à toute cette situation, il lui semble maintenant que ce n'est pas tant nécessaire. Savoir ce qui se passe, c'est aussi savoir que des gens s'inquiètent, c'est savoir que... et... et bien heureux les simples d'esprit.

Quand Birdy l'embrasse, il rougit, mais ce n'est pas par gène et il commence bien à s'en rendre compte. Il lui adresse un sourire bien heureux et affectueux et à défaut de pouvoir rendre la marque d'affection directement, ce sera par correspondance : ainsi, il embrasse gentiment le bout de ses doigts et pose ses derniers sur le front de l'oiseau de nuit. Après, il fait de même pour la joue de BD. Sa petite famille à lui.

« Si tu veux, dorénavant, on peut se présenter avec comme nom de famille Brême. Fiston BD Brême, Papa Birdy Brème et maman Moustique Brême ! »

Le maman est sortit très naturellement. Trop. Même pour quelqu'un qui doute de sa virilité. Ça lui fait drôle, ça le gêne d'un coup. Et tandis que son cerveau exulte un « oui. Oui ! OUI ! », Moustique adopte sa meilleur technique : la fuite.

« Enfin... ''Papa''... Moustique. Brême. Hum.
Si vous voulez qu'on se remette à marcher, c'est quand vous voulez ! Moi j'suis rechargé à bloc ! »

Il remarque une agitation venant de Birdy, lui lance un regard questionneur chargé d'une innocence imbécile et bien-heureuse.

Oh lala, regarde-toi tu es trempée ... Regarde-toi, j'ai dis ! Ca veut dire, ouvre les yeux pour commencer. Ah voilà, c'est mieux. Mais dis donc, c'est que tu m'as l'air d'être une battante, toi ... Oui, inutile de mentir, je le vois dans ton regard. Et je vois autre chose aussi. Quelque chose de plus sombre, que tu ferais bien de cacher à tout le monde. Tu seras le loup parmi les hommes ... Du moins, c'est ce que je te laisserai croire. Car c'est Moi le grand méchant loup ici, c'est Moi qui décide des règles et qui les fait appliquer. Cependant, je ne voudrais pas que tu me détestes tout de suite, alors je t'ai fait un petit cadeau. A tes côtés, tu trouveras une boule à thé. Fais-en bon usage ...

Ouvre les yeux Lip. Ouvre les yeux. Quoi ?! T'aimes pas Lip ? T'aimes pas ce prénom ? Et bien saches que j'en ai strictement rien à carrer, que tu l'aimes ou pas. Tu auras celui-là et that's it. Ne fais plus d'histoires Lip, il te suffit juste d'ouvrir les yeux. Quoi ?! T'y arrives pas ? Et bien on est bien parties.

Non, c'est parfait, je veux dire. Tu es juste allongée dans le sable, les bras étendus le long de ton corps et les yeux fermés. Et tu sais ce que ça veut dire les yeux fermés ? Et bien ça veut dire que tu es sans défense ma grande. Sans défense tu entends ? Donc tu vas les ouvrir vite fait, très vite fait sinon...

"Sinon quoi ?"

Ok, ta voix est un filet enchevêtré dans tes pieds et je sens que tu les a ouverts, tes beaux yeux bleus. C'est bien Lip. On avance. Passons maintenant à tes pieds. Tu vois comme ils sont faibles et malheureux sans toi pour t'appuyer dessus. Utilise-les ma grande. Utilise-les.

"C'est qui çui-là ?"

Le garçon à tes côtés ? Mais c'est un garçon ma grande.

"Pas la question..."

Lip, arrête tes chichis et debout maintenant. Debout !

C'est bien. On avance. Regarde autour de toi. Que vois-tu ?

"Du sable... Partout... Un garçon, étendu à mes côtés et là-bas... Vois pas."

Plisse tes yeux Lip. Plisse tes yeux.

"Trois personnes. Une petite. That's it."

La pensée d'une famille de Fortune, rejoint par un hasard phantasmagorique, fait naitre un vague sourire de drogué apaisé sur le visage manipulé du jeune perdu. La question silencieuse de son compagnon l'effleure alors de son innocence, et s'apprêtant à répondre, l'enfant spectre se redresse en un oxymore vivant, posant une question qui s'enfonce dans la vase de l'oublis dès lors qu'elle sort de ses lèvres, avant de choisir de s'élancer dans l'obscurité. Le jeune homme reste caresser le front de son ami d'âme, levant une longue main blanche jusque l'écharpe du petit fantôme, y assurant sa prise en répondant d'une voix douce et rauque,lait gorgé d'amertume de petit scarabées aux mandibules tranchantes, blottit comme des chatons dans une mousse de poison. "Tu n'accepterais pas de me servir de dossier ..? Ça m'aiderait beaucoup.." Non pas qu'il ai besoin d'une charpente osseuse pour soutenir sa carcasse de cathédrale gothique, mais il vient de voir surgir une forme humaine, qui plus que tout monde inconnu gorgé de piège, soulève une méfiance de ses entrailles malades.La méfiance de l'être humain,qui vient troubler l'azur de ses iris oxydées de douleur.

Il en oublierait le temps, la situation et tout ce qui l'entoure. Le bercement des vagues, les caresses sur son front ; il se sent détendu, capable de rester ainsi une bonne éternité encore. Mais l'éternité, ça ne dure jamais, BD se lève et Moustique ne veut pas se montrer préférentiel dans sa petite famille recomposée. Il adresse un sourire à Birdy et regarde le Gamin.

« On arrive, oui ! »

Il en oublie sa couardise naturelle alors qu'il se redresse d'un coup et voit : des formes au loin. Il suspend son geste, se tourne vers Birdy et hoche la tête.

« Bon, ceux-là, on les voit tous, au moins. »

Plus de rêveries bizarre, la réalité lui est assez douce pour vouloir s'y accrocher farouchement.

« J'aimerai bien penser qu'ils pourront nous expliquer un truc quant à cette situation, mais... » Il a un sourire amère. « Je pense qu'ils sont aussi paumés que nous. »

Et on ne laisse pas un paumé en arrière. Ce n'est pas très chevaleresque. Pourtant un peu méfiant, Moustique se tient prêt à s'enfuir au besoin. Tous ses muscles se préparent dans ce sens. Sa voix se fait mal-assurée alors qu'elle se hausse, surpassant le roulement des vagues.

« Bonjour ? »

C'est la rencontre du 4ème et 5ème type.

Ils se sont approchés et ils t'ont regardé. Tu les as ressenti ? Tu les as compris ? Tu es une bête sauvage. Lâchée dans leur territoire. Ils vont peut-être te manger. Ils vont peut-être te chasser. Est-ce que tu as peur ?

"La ferme."

Non, je me dois de te parler et il va falloir t'habituer. L'homme à ôté de toi s'est levé. Un boule de poils rouges s'est emmêlée dans ses pieds. Il l'a laissée. Et il t'a parlé. Tu as entendu sa voix et tu as découvert que tu n'étais pas toute seule. Pas si seule. Avais-tu prévu de lui répondre ?

"Rien à foutre des autres. Je ne les vois pas."

Quoi ? Encore gênée par tes yeux brouillés ? Va falloir t'y faire Lip, et c'est pas comme ça que tu vas réussir à te faire comprendre. Regarde, ils s'approchent déjà. Leurs yeux curieux se sont adaptés au noir et à la lune. Pas les tiens mais tu réussis tout de même à distinguer l'homme à la voix qui se lève à tes côtés. Il est grand. Un premier s'approche. Il te parle aussi. La petite personne t'ignore. Tant pis.

"Moi, c'est Lip."

Et tu tombes à nouveau. Tu n'as pas la force Lip, mais je ne crois pas que la perte de connaissance soit intelligente en territoire hostile.

Seul être encore au sol, Birdy finit par se lever à son tour, passant un bras autour de Moustique. Il observe la scène qui se déroule en songe éveillé, sous ses yeux désormais acérés. Il sent le coeur de son reflet adoucis s'agiter d'anxiété, tandis que l'enfantôme à porté ses pas jusque l'un des nouveaux arrivants. Grand,il semble un esprit ancien et sage, paisible, avec quelque chose de puissant à l'oeil voodoo,inquiétant, dans un paysage d'oublis bleu.
Une autre présence est là, à l'aura de béton industriel, comme l'une de ces anciennes villes vides, hantées d’orgueil et de triste arrogance, à la beauté fanée et gâchée. Animal de conscience titubant, flou, suintant la détresse à plisser le nez.
Le jeune homme n'ouvre pas la bouche, patientant, tels un prédateur à l’affût, hors de la chasse, mais affuté par une connaissance de risque.

Moustique accuse la remarque désobligeante. Gringalet. Il sent ses joues qui rougissent de frustrations, sert un pan du plumage de son oiseau pour se calmer et recule un peu pour mieux se blotir contre ce dernier.
Il s'est promis de ne plus être faible par ses passions.
Il ne peut pas rejeter déjà des gens dans ce milieu hostile.
Il veut arrêter de douter.

Ça marche. Il se détend, collé à Birdy, et reprend d'une voix calme :

« Tu ne devrais pas sous-estimer quelqu'un par son apparence. Un grain de riz peut faire pencher la balance. » Il se sent fier. Même pas vexé. Il arrive même à faire un sourire malicieux au nouveau venu. « Et on a des prénoms, grande perche délavée. »

Mais pas assez gentil pour les donner si l'autre continue à les traiter comme des chiens. Il se décolle de son oiseau, va voir la fille et pose une main fraîche sur son visage.

« Je suis pas certain que ce soit nécessaire de la porter. »