S'en aller, oui. Avant que la brume n'enveloppe tout de son linceul poisseux. Avant qu'elle ne les prenne, sans compassion. Avant que... Avant...

Ses yeux sont clos. Elle sent de nouveau le contact désagréable du sol contre son visage. Cette fois-ci ça chatouille un peu plus. Sursaut. Elle se redresse brusquement, saute sur ses pieds et se fige. Scrute attentivement les alentours. La plage, la brume, et les deux autres, là... Tout ça a disparu. Ou presque. Le brouillard lèche doucement les herbes folles, comme pour lui signifier que dans quelques instants, elle sera la prochaine. Mais qu'est-ce qui se passe ici ?! Elle ne comprend pas. Et son instinct lui hurle de courir. Loin. Très loin. De trouver un endroit sˆur, où la brume ne pourra pas l'atteindre. Où elle pourra se poser pour essayer de comprendre. Est-ce que ça changera quelque chose ? Alors, quoi ? Survivre en attendant de comprendre ? En espérant se rappeler ? Frisson. Il fait froid ici, non ?

Qu'est-ce que je fous là ? Et surtout comment je suis arrivée dans la jungle ?

La brume. Encore. Le sang commence à battre plus fort dans ses veines. Plus vite. Adrénaline. Elle n'est pas en sécurité, ici. Quelques pas prudents l'amènent face à un arbre étrange. Une construction en bois miteuse semble se battre contre le temps et l'humidité ambiante pour tenir. Mais c'est une guerre perdue d'avance. Car rien n'arrˆete le temps dévorateur. Par réflexe, elle effleure la cross de son pistolet, ne sachant mˆeme pas s'il est vraiment chargé. "Y'a quelqu'un ?" Le ton ferme de sa voix la surprend un peu. Elle n'a pourtant pas de quoi ˆetre en excès d'assurance... Surtout avec ce froid qui lui fait regretter le confort de son short.

L'ambiance glauque met ses résistances mentales à rude épreuve. Ne pas laisser la panique prendre le dessus. Ne pas paniquer. Respire lentement. Plus lentement. Calme-toi... Le danger arrive. Et elle l'attend.

HJ:

Elle se rappelle des lucioles l'interrogeant, elle et Swatch, sur une question. Elle cherchait la réponse, scrutant les horizons, mais en vain. Swatch ne semblait pas plus intelligent qu'elle. « La mangrove a tué. Déjà. D’abord 1 personne. Puis 2. Puis 4. Puis 7. Puis 12. puis 20. Des mathématiques. Son cerveau n'était malheureusement pas celui d'un brillant scientifique. Combien de personne tuera-t-elle la prochaine fois ? » Impossible de trouver la réponse. Du moins, pas avec ce tic tac incessant.
Puis une brume les entoure, elle n'a pas le temps d'interroger son camarade, qu'il disparaît aussitôt, et tout ce qui l'entoure aussi. Le noir total. Ses paupières sont lourdes, mais pourtant elle se sent flotter. Puis son corps touche quelque chose de dure, de beaucoup moins agréable. Elle rouvre les yeux, et malgré cette brume épaisse aperçoit les premiers rayons du soleil. Pourtant, Babouche a cette impression que ce sommeil n'a duré que quelques minutes. Encore une tromperie de cette maudite île. Mais elle n'a plus soif, sa gorge n'est plus sèche.

Sa main contre le sol comme appuie, elle se relève difficilement. Autour d'elle, tout est nouveau. L'air est toujours aussi humide, mais le paysage a changé. Le sol n'est plus visqueux, mais ferme. En plissant les yeux, elle aperçoit de grands arbres. A la moitié de leur tronc, d'étrange bloc de bois y sont accrochés. Impossible de voir mieux.
« Y'a quelqu'un ? » Elle se retourne vivement, comme si on l'avait piqué. La voix est ferme. Une femme. Elle se sent moins seule, mais pas pour autant aussi rassurée. Elle attend quelques instants avant de répondre, le temps de bien se réveiller.
« Non » Blanc. Pourquoi a-t-elle dit ça ? Bien sûr que si qu'elle est là. Elle tire la langue, louche pour l'observer. Elle dit quelques mots incompréhensibles doucement, pour voir si cette chose rose fonctionne toujours. Alors elle retente, plus fort. « NON » ces yeux fixent un point imaginaire. Mais c'est quoi ce bordel ?!
Elle regarde autour d'elle, cherchant la source de cette question. Mais en vain. Alors elle attend là, espérant avoir une réponse de ce maudit non.

Spoiler:

Un "non." Elle n'aime pas qu'on se moque d'elle. Surtout quand elle ne comprend pas. Elle n'a pas l'impression d'avoir l'habitude. Mal analyser, ça ne lui va pas. La voix est fluette. Une ado. Deuxième refus après un temps de silence. Une petite blonde lui fait face. Penser rationnel. C'est qu'une gamine, elle peut pas te faire de mal.

Et pourtant... Sa main agrippe nerveusement la cross de son arme. Calme-toi. Calme-toi. Pas d'erreur permise. "T'es qui, toi ?! D'où tu sors ?!" L'assurance a laissé place à un étrange sentiment d'impuissance. Elle perd progressivement le contrôle. Nouveau frisson - de froid, vraiment ?

"Pas un geste. Jette tes armes !" Elle dégaine, menace avec son pistolet.

Chargé. Pas totalement, mais il y a de quoi tirer. C'est trop lourd pour être vide. Elle ignore comment elle le sait, mais elle le sait, c'est tout ce qui compte.

Et si c'était elle, la responsable ? Et si c'était sa faute ? Elle perd son sang froid. Et sa faculté de raison, par la même occasion.

Et si c'était la brume... ?

HJ:

Une ombre devant elle se dessine. Au début, celle-ci est flou. Puis, à mesure que cette ombre avance, elle devient plus nette. Une femme plus âgée qu'elle apparaît, main sur sa crosse. Elle se rappelle du flash-back qu'elle avait eu sur la plage, et cette fameuse course poursuite avec des armes. Merde... ça va pas recommencer. Et sans Swatch, elle était vraiment dans la boue jusqu'au cou.
« T'es qui, toi ?! D'où tu sors ?! » Les mots se voulaient rassurants, mais la tonalité montrait une personne impuissante. A peine eu t-elle le temps de prononcer un mot pour répondre, la jeune femme s'active, sortant l'arme de son étui, avant de le pointer droit vers elle. Le doigt est sur la détente, il ne lui suffit plus que de tirer, et ce serait la fin. Pas aujourd'hui.
Malgré le fait que le physique de cette jeune femme l'effrayait, que cette carrure imposante lui donnait l'impression d'être une mouche, la voix lui avait fait un déclic : il n'y a pas que le physique qui compte. Du moins, chez cette personne.

Des armes ? Elle n'en avait pas. Alors elle sourit, d'un air ironique. Mas elle n'ose pas répondre, peur que sa voix lui joue de mauvais tours encore une fois. Elle se ressaisi, tentant le tout pour le tout.
« Range ton arme, j'en ai sur moi !  » Bon tant pis. Crédibilité, zéro. Mais fallait bien qu'elle s'exprime, qu'elle ne reste pas plantée là. Elle commence à s'énerver, face à cette violence gratuite. Tout en haussant le ton, elle continue sur sa lancée. « Et toi, pourquoi tu n'es pas là ?! »
Sans comprendre pourquoi, ses genoux s’arquent, et elle se retrouve à terre. Un mal de tête ingérable la prend. Jusque là, tout allait bien, mais un déclic c'était fait dans son cerveau : un souvenir avait fait surface, qui lui rappela qui elle était : une égoïste.

Spoiler:

Son doigt se crispe sur la gâchette. Ne pas tirer. C'est qu'une gamine. Qui ment de plus très mal. Elle veut baisser son arme, vraiment. Se dire que ça n'en vaut pas la peine, que ce n'est pas le moment de commettre l'irréparable. Mais il y a autre chose. Comme si la brume avait déposé sur elle un voile invisible qui la maintenait dans un état de méfiance trop avancé.

Il y a un "si." Ce "mais si..." qui vous fait hésiter, vous empêche de faire confiance, et vous empêche d'avancer. La paranoïa c'est pour les faibles. Ou pour les fous. Elle ne veut être aucun des deux. Mais on ne peut pas décider comme ça de ne plus avoir peur.

"C'est où, 'là' ?" Ton plutôt calme. Se maîtriser. Bien.

De toute façon, elle ne la croira sans doute pas, alors pourquoi demande-t-elle ? Toutes les infos sont bonnes à prendre, surtout si elles sont fausses. La personnalité des gens se dessine facilement à leurs paroles piégeuses. Et il lui faut avancer. Rester plantée 'là' lui paraît bien trop dangereux à son goût...

L'inconnu ne semble pas comprendre ce qui arrive à Babouche. Peut-être qu'elle n'a pas été touché par cette brume. Et malgré que Babouche soit obligée de s'aider de ses bras pour tenir debout, elle entend la réponse calme de l'ombre. Puisant dans ces ressources et essayant de dire ce qu'elle souhaite parfaitement, elle se concentre.

« Tu le fais pas exprès ? Bah pas ici ! Tu ne viens pas de la brume toi ? » Malheureusement, ses tentatives ne portaient pas à ses fruits. Elle avait beau essayer de penser l'inverse, une partie de son esprit gardait en souvenir ce qu'elle souhaitait dire. Et cette infime partie lui faisait prononcer ce qu'elle ne souhaitait pas.
Petit à petit, elle réussit à se redresser. Quelques goutes roulaient sur son front, la chaleur plombante qui l'entourait et le récent mal de tête sont en cause. En plissant les yeux, elle remarque que la jeune femme n'a toujours pas baisser son arme.

« Tu ne comptes pas tirer? » Merde. Ce souci de langage l'énerve réellement.

"Ouais, si on veut", lˆache-t-elle froidement lorsque la jeune fille lui demande comment elle est arrivée "là." De la brume, ouais... L'autre a l'air d'avoir chaud. Mais elle, elle grelotterait presque. Etrange... En plus, son interlocutrice de fortune tient un discours totalement incohérent avec ce qu'aurait répondu la plupart des gens... Comme si elle disait l'inverse de ce à quoi on s'attendait.

"... Si. S'il le faut. Mais j'aimerais autant éviter de gˆacher mes balles sur toi." Franchise. La vérité comme seule arme face à la peur. "A vrai dire, je te trouve bizarre, comme gamine... Tu sais quelque chose sur cette endroit qui pourrait servir ? Par où est la plage ?"

Elle abaisse son arme. Peut-ˆetre qu'en se montrant moins... Persuasive, elle aurait des réponses plus sincères. Et puis un faux mouvement est vite arrivé avec ce genre d'atmosphère tendue. Et avec ce froid qui la dévore. "Tu peux marcher ?" C'est dangereux de rester statique dans des lieux aussi glauques, manqua-t-elle d'ajouter.

Le dialogue continue, basé sur l'incompréhension et la méfiance. Beaucoup de mots sont balancés en l'air, presque gâchés par l'humeur des deux jeunes femmes. Le temps aussi s'écoulent doucement, insensible à ces chamailleries. Il faudra attendre un premier relâchement de vigilance pour que petit à petit, un terrain d'entente finisse par arriver dans le dialogue.

Le repos.

Toute deux s'accordent pour dormir un peu, se reposer pour se remettre des émotions subies. Chacune, pourtant, se promets de ne dormir que d'un œil, ne souhaitant pas offrir à l'autre une telle faille dans la défense… Il en est une qui n'arrive hélas pas à tenir son engagement et qui, le temps d'une heure, à peine, s'endort profondément. La petite Babouche dort, s’évadant pendant un temps de l'île et ses dangers. Puis elle se réveille. Elle ouvre les yeux et elle aura alors la surprise de constater que sa compagne d'infortune, Tigresse, n'est plus avec elle. Elle n'est plus dans le village du tout. Et dans le silence des cabanes, elle peut entendre, au loin, les murmures d'une voix masculine. Au pied des arbres, il y a deux personnes, un blond et une jeune fille aux cheveux verts. Tes aventures auraient-elles une suite, Babouche ?

Spoiler: